On m'a forcé à tuer mon bébé, quand l'avortement est une contrainte.
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A l'heure qu'il est, je n'ai que des larmes, le cœur en feu et je suffoque par manque d'air.
Dans deux jours, j'aurais du être à 37 semaines d’aménorrhée, je serai arrivée au terme auquel j'ai eu mes deux premiers bébés.
Mais mon ventre et vide, les larmes coules et j'ai l'âme d'une meurtrière.
Au mois de Juin dernier, ou peut être même étions nous en juillet - Je tache depuis des mois d’effacer ces souvenirs traumatisants - on m'a forcé à tuer mon bébé.

Quelques semaines avant, j'ai découvert une grossesse surprise. ma première n'avait pas encore trois ans, mon deuxième avait 10 mois et j'étais de nouveau enceinte. C'était le jour de mon anniversaire, le 8 mai. Quand j'ai vu le test virer au positif, je n'en ai pas crus mes yeux. Incrédulité - Joie - doute - peur - angoisse... je dois l'annoncer. A ce moment là, jamais, au grand jamais, je n'ai pensé avorté. Ayant déjà perdu quatre bébés à travers des fausses couches mutilantes, hors de moi était l'idée de tuer cet enfant, ce cadeau.
Mais dès l'annonce, les remarques ont fusées :" mais tu n'as que deux genoux, il n'y a pas de place pour ce bébé." Pour la première fois, on m'a fait comprendre que ce bébé là, je ne l'aurai pas non plus.
J'écoutais sans prendre garde, de toute façon, je n'avais jamais mené à terme une grossesse sans traitement. Je pensais ce bébé déjà condamné. Je ne pensais pas devoir prendre une décision quelconque concernant cette grossesse. Pour moi, c'était la nature qui déciderait.
Puis les semaines se sont écoulées, et le miracle s'est confirmé, pour la première fois, je vivais une grossesse sans traitement contre les fausses couches, je vivais une grossesse évolutive.
Et ses doutes se sont insinués. "Comment on va faire avec un bébé de plus ?" "et financièrement ?" "mais si je pense que la vie est importante" "oui ça pose des questions éthique" " tu es sûre que tu veux le garder ?" "bien sur que je serai là pour toi quelque que soit ta décision" "Et puis tu vas perdre ton travail, tu es en cdd" " tu vas tout gacher en voulant le garder." "tu penses à notre famille ?" " Tu veux le garder ?... BAH VAS Y GARDE LE PUISQUE C EST CA ! MAIS JE TE PREVIENS TU VAS GACHER MA VIE"
De simple soutien, IL m'a placé au bord d'un précipice. Tous les médecins ont essayés de m'aider "n'avortez pas madame, vous allez le regretter, comment allez vous vivre avec ? Et vous monsieur ? vous en pensez quoi ? Ah... vous n'en voulez pas ? C'est compliqué. Mais c'est a madame de décider n'est-ce pas ?"
Des paroles, et de vent.
On m'a fait croire que j'avais le choix, que c'était mon corps, ma décision. Mais quand tu te retrouves en face d'un regard de haine, désapprobateur, qui te dis en criant "TU VEUX LE GARDER ? GARDE LE, mais je ne m'en occuperai pas." Le choix se restreint.
Puis face à la conseillère du planning familiale le revoilà tout mielleux, "oui moi aussi j'ai des doutes, je ne suis pas sur, je pense aussi que c'est une vie, on n'arrive pas à prendre une décision, ma femme ne se décide pas. Je luis laisse le choix. etc.. etc..."
Mais quel choix ai-je eu ? Celui de me détruire moi, de tuer mon bébé, ou celui de détruire ma famille, mon couple, peut être privé mes enfants déjà nés de leur père ? Tout reposait sur moi.
Aujourd'hui, on nous fait croire que nous sommes des femmes libres, que nous pouvons faire notre choix, que notre corps nous appartient.
Je n'ai pas vu l'aube de ces promesses.
J'ai été seule. Désorientée. Tiraillé entre le service médicale, les gynécologues , trois gynécologues différents qui ont refusés de pratiquer l'opération, parce qu'ils ont tous vu, que ce n'était pas ce que je voulais. Ils savaient ce que mon mari ne voulait pas voir : ça me détruirait. Que ça aurait été inhumain de me faire vivre ça. Mon mari était parfois présent, (trois fois sur quatre.) et pourtant, il n'a jamais pris en compte ma détresse. Et s'il l'a vu, il a décidé de l'ignorer. Je ne sais pas une femme libre. Je suis contrainte par l'avis de mon mari.
Plus les semaines passait, plus je faisais par de mon indécision. Je ne voulais pas avorter, pas du tout, je ne pouvais pas. Mais comment garder un bébé que mon mari ne désirait pas ? Un bébé qui risquait de me faire tout perdre ?
A ce moment là. J'ai juste eu peur. J'ai été lâche. Je n'ai pas si tenir tête. Je me suis juste senti seule, fragile et incapable de tout porter sur mes petites épaules. Je me suis vue seule, avec mes trois bébés dans les bras, sur mes genoux pas assez grands, comme ils me disaient.
je venais de recommencer l'enseignement, comme remplaçante, je n'avais qu'un petit smic, souvent payé en retard, pas de permis, pas de voiture, en pleine campagne, à une heure de la grande ville la plus proche.
J'ai regardé les appartements, mais un appartement pour accueillir trois bébés, dignement, en leur offrant ce que j'aurais aimé leur offrir... je n'avais pas les moyens. Je n'arrivais même pas à faire dormir mes deux poupons ensemble, alors trois ?
J'aurais pu. Peut être. J'aurais dû. surement.
Et la fatigue. Les nuits debout à regarder les heures défiler, seule.
La lune, mes étoiles, et moi.
Et puis toute cette solitude au milieu des 7 milliards d'autres.
Alors je me suis rendu chez le gynéco, encore, en pleurant, je lui ai demandé les cachets, sous le regard d'un soulagement intense de mon mari. On m'a demandé de les avaler face au médecin. je l'ai fait. J'ai tué mon bébé sans le vouloir. A bout de force. En pensant si fort à toutes les autres héroïnes Cornéliennes. Au dilemme avec de "m" par ce qu'on aime tant... à en mourir.
Dans la nuit, j'ai pleuré si longtemps, seule, dans le noir, que ma tête menaçait d'exploser. En panique j'ai appelé un numéro vert d'aide pour l'avortement. Je voulais tout arrêter. C'était possible. C'est possible, je le sais. Au téléphone, on m'écoute, on me console, on me rassure. De l'humain, que de l'humain. De la tendresse, de la compréhension, du courage, beaucoup d'émotion.
on peut changer d'avis après avoir pris les premiers médicaments pour avorter !
Ma décision est prise. Je n'ai pris que le premier cachet de la procédure, il est réversible contrairement au deuxième cachet, on peut encore agir. Je peux sauver mon bébé. Il faut juste de la progestérone, ça tombe bien, j'en ai. On me passe un médecin au téléphone, on me rassure encore, mon bébé ne risque rien si je prends la progestérone tout de suite, ça va aller, il n'y a dans les études, rien qui dit le contraire, j'ai fait ce qu'il fallait. Le lendemain matin j'appelle la clinique pour annuler le rendez vous, je demande un examen de suivi dans une autre, pour vérifier que mon bébé va bien. On me prend pour une dingue, la fille au bout du téléphone est odieuse.
Dans la journée, j'annonce à mon mari que j'ai annulé la procédure, que je ne veux pas, que j'aurais ce bébé, que ça ira, que j'ai fait ce qu'il fallait. Après tout on a une bonne situation, une grande maison, une grande voiture, tout ce qu'il faut. Ce bébé on peut l'accueillir. Et j'en suis déjà à 11sa, c'est déjà un bébé !
Et là... déferlante de colère.
Il dit que je l'ai trahis, et un tas d'autre chose qui me laissent en miette sur le sol. Je croyais que j'avais le choix !
En fait. Non. Pas vraiment. Pas sans haine. Pas sans cris. Pas sans être seule je crois. Face à mon visage ravagé par la douleur il fini par me dire "Peut être qu'un jour je m'y ferait, garde le si tu veux, mais là, je te jure que cet enfant j'en veux pas."
Je m'effondre. J'ai espéré du réconfort, du soutien, du courage. le miroir reste vide.
A l'heure prévu, il m’emmène à la clinique. Je hurle de douleur durant les 30mn, de suffoque entre mes larmes, je fini par en vomir. Il ne fera pas demi tour. Il continue avec sa phrase traite "tu vas le garder ? BAH GARDE LE ! NE VAS PAS DIRE QUE C EST A CAUSE DE MOI !" une phrase détrempée de haine, qui ne laisse pas de place au doute.
11sa+4
J'attrape les derniers cachets du protocole sous le regard désolé du médecin qui m'a dit que de toute manière mon bébé serait surement malformé (c'est faux en réalité), tremblante, atterrée par mon geste, j'avale les médicaments, sous le regard de mon mari triomphant. Juste avant, j'ai vu mon bébé une dernière fois à l'échographie. Je l'ai vu bouger. Il allait bien. Il allait bien...
Jamais je n’oublierai ce regarder de bonheur quand il m'a vu avaler les pilules.
Puis il m'a laissé seule. Il fallait qu'il garde les autres enfants.
Ce bébé, je l'ai eu seule, dans le silence, sans anti douleurs, par voie basse, à 11sa+4, sans intervention. Quand il est né, la sage femme l'a jeté dans les toilettes et a tiré la chasse d'eau sous mes yeux. Moi je voulais mettre mes mains dans la cuvette pour le rattraper.
Pendant des semaines, je n'ai pas dormi la nuit. imaginant mon bébé dans les égouts de la ville entouré de matières fécales et autre détritus.
Mon mari est un homme bien. Un homme aimé partout ou il va. Agréable. Sans histoire. un homme comme tous les autres. il n'est pas du tout violent. il n'est pas non plus méchant. C'est même le dernier mot auquel on pense en pensant à lui. Mais cet enfant. Ce n'était qu'une mauvaise idée pour lui. Qu'un concept qu'il préférait voir s'éloigner. Si je lui demandais, il serait incapable de tuer le moindre animal. Je ne veux pas que vous le jugiez. Il a ses raisons, qu'il croit être les bonnes. Les choses de son point de vue doivent être... très éloignées de tout ça. Il s'agit ici de vous livrer mon ressenti de femme, de mère, pas d'épouse, je peux le comprendre. Mais ce jour là, il m'a demandé d'assassiner notre propre enfant. De mes mains. Et de vivre avec. Tout le reste de ma vie et ça... je ne le pardonnerai jamais.
Moi aujourd'hui. Je ne suis que l'ombre de mon crime. Je ne me sens même pas digne d'être mère. Je me suis même éloignée d'une certaine manière de mes enfants. En les regardant, je sais que j'ai tué leur frère ou leur sœur qui leur ressemblait surement. Je me sens ignoble. Cet acte a détruit le peu d’estime que j'avais de moi même. C'est moi qui ai pris ces pilules. C'est moi qui l'ai tué. Je n'ai pas eu l'impression une seule fois d'avoir eu le choix. A chaque fois que je regarde mon mari, je me souviens de ce qu'il m'a forcé à faire, je revois son sourire de soulagement. J ai juste le cœur en feu. Je me sens toujours aussi seule. Je n'ai pas eu de soutien. Je n'en ai toujours pas. Je n'en aurais jamais.
On est en 2018. Et aujourd'hui, je voudrais qu'aucune femme n'ai à vivre ça. Je voudrais qu'aucune femme n'ai à avorter. Je voudrais que l'avortement n'ai pas été autorisé dans mon pays. C'est atroce je sais. Mais mon mari n'aurait pas eu la possibilité de me pousser à commettre un infanticide. Et cette semaine, j'aurais rencontré mon troisième bébé.
A toutes ces femmes qui un jour ou l'autre, n'ont pas eu le choix.
#opprimée
Lo.